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S049
Adorante, Worshipping woman, 1983 Elle figure le besoin de se lier à des valeurs qui transcendent l’individu, intemporelles, c'est-à-dire absolues. L'aptitude au respect, la lutte contre la finitude. Ces émotions sont engendrées par la stylisation géométrique : atténuation de l'anatomie, élargissement du tronc plat, élan perpendiculaire des bras parallèles vers l’avant, boucle triangulaire des jambes réunies. Influence de l’art des Cyclades IIe millénaire avant J.-C., d’une Jeune danseuse, le poing sur la hanche, Mohenjo-Daro, 2.500 avant J.-C. |
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S052 Antigone, 1984 On cherche en premier lieu une attitude originale. Celle-ci va induire des idées de comportements, lesquels à leur tour éveillent des sujets plausibles que l'on possède en réserve. La géométrie qui émane des plans perpendiculaires a primé, celle entre le déploiement de profil et le tronc élargi, celle des angles droits formés par les jambes, par les bras. Une fois le geste des mains précisé, Antigone est devenue un sujet vraisemblable : elle pouvait en effet égrener de la terre sur la dépouille de son frère Polynice, la fierté de la cambrure convenait à son obstination, la docilité de la position à genou, à sa soumission aux rites. Le Prisonnier libyen, Nouvel Empire 1580-1090 |
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S070 Gardienne des portes de l'enfer, Woman guarding the gates of Hell, 1987 Le contact assidu avec la peinture du Moyen Âge et de la Renaissance, (tel le Triomphe de la mort de la Galerie régionale de Sicile, Palais Abatellis à Palerme, époustouflant), donnait l’envie d’aborder des thèmes puissants, mais la description de ces temps par les historiens, Jean Delumeau, Huizinga, Burckhardt, l’interdisait : l’imagination même en semblait inaccessible, nous ne pouvions comparer notre sécurité avec les tourments de ces temps. Peu à peu la pratique, constater que l'amélioration des formes précise une émotion, m'a amenée à comprendre que la vie de l’esprit semblait suffisante. Il n’était pas nécessaire d’avoir subi un traumatisme objectif, l'imagination de la Fin est permanente en l’homme, il n'a cessé de retourner son action débilitante afin de la rendre valable. En magnifiant son autorité, il compense le néant dont elle est porteuse. Un apport original était suffisant. Le souvenir de deux dvarapala vus en Inde en 1985, gardiens de portes l’air menaçant défendant l’entrée d’un temple contre les mauvais esprits, s’insinua dans une femme corpulente accroupie que j’étais occupée à modeler. Il était permis d’en détourner le sens. L'opération constituera un jalon dans le processus de figuration, elle confortera une assurance permettant d’envisager d’autres défis. Le crâne rasé, les formes polies comme du basalte viennent de l’Égypte. |
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S076 Démone lançant un fléau, Demoness casting scourge, 1988 Un tel sujet n'était pas encouragé à l'époque, des injonctions de type sociologique le disqualifiaient : anachronique, désuet, obscurantiste. Jugeant cette emprise intellectuelle stérile « du point de vue de l'art », car la démone est capable d'exprimer des vérités d'ordre psychique qui ne doivent rien à la croyance religieuse, je persistai à tenir la figure pour essentielle. Comment lui donner sa puissance, qui ne pouvait être que symbolique, et éviter le théâtralisme trop souvent lié à la pensée allégorique. Par une meilleure compréhension du symbolisme. Celui-ci n’est en rien « appliqué ». Il dépend des propriétés de l’analogie. La surenchère est inutile, car la puissance de la démone lui est inhérente. Pour convaincre, il fallait faire comme si « tout était vrai », pour lui donner consistance, particularité, pour la rendre évidente, naturelle, une forme d’illusion était requise, mais celle-ci est limitée aux données corporelles. Le corps humain est un langage. L’action également. La démone peut incarner l'enchaînement de la violence humaine. Nous avons déjoué les mensonges du fatalisme, mais l’agressivité, parce qu'elle est humaine, est-elle plus contrôlable ? La résurgence des guerres, la sophistication des moyens mis à la disposition de tout un chacun, attestent que la maîtrise de la violence est précaire. On revient à la case départ. Le mal reprend la force d'une fatalité cosmique. Elle peut aussi figurer les ordres cruels du cerveau. Les injonctions du psychisme sont si tyranniques qu'elles nous martyrisent et nous ruinent. Telles des démones, elles nous lancent des fléaux. Accepter cette forme d’illusion, la représenter comme vivante, naturelle, évidente, ces avancées sont le produit de deux convictions qui se sont progressivement consolidées. Premièrement le besoin de figure et d'action correspond à une aptitude du cerveau, l'envie de s'identifier, de se projeter, de « se voir ». Deuxièmement, lorsque la nécessité psychique est puissante, il n'y a pas lieu de tromper ce besoin par des mystifications. Édifier des artifices destiné à prouver que « l’on n’est pas dupe », affaiblit le propos, le noie dans des considérations accessoires. Moyen-Âge, polythéisme en général, aptitude cérébrale à l’anthropomorphisme. |
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S084 Les enfants de
Saturne, Children of Saturn,1990-2007)
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S087 Architecte consacrant un pieu de fondation en hommage à la géométrie, Architect blessing a foundation pile in homage to geometry, 1991 Une pratique superstitieuse est remaniée pour devenir admiration, dette envers une force positive, la géométrie. L’exposition Europalia Japon à Bruxelles en 1989 a ouvert des perspectives : expression concentrée du visage et des gestes, vêtement abstrait, inventé. Le titre lorsqu’il est peu probable (le sujet enfoui sous les sédimentations du temps mais vivace) doit être développé afin d’inviter le spectateur dans un contexte lui permettant d’en jouir pleinement. Culture antique, Sumer, Assyrie, Japon. Besoin de se lier à un principe qui dépasse les limites individuelles, ici la géométrie. |
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S096 Le défi de la peinture abstraite, The challenge of abstract painting, 1991 La peinture abstraite, un monde à découvrir, à explorer dont je redoute encore à cette époque l'ennui, la vacuité, la vanité. Cet univers est-il capable de déclencher des émotions, risque-t-il de s'avérer chimérique, va-t-il entraîner le créateur dans la dissolution et l'anonymat ? Atlas portant le monde.
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S098 Homme adorant le
soleil levant ou L'est, Man worshipping the rising sun, 1993 |
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S099 Pauvre d'esprit
ayant fait le serment de demeurer sur une jambe, Simpleton who has made a
vow to stand on one leg, 1993 |
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S100 Homme se lacérant le visage dans un accès de reproche, Man lacerating his face in a fit of self-anger, 1993 L’artiste « propose » une combinaison d’affects. La relation entre un sujet et un style n’est ni obligatoire ni nécessaire. Un sujet peut être longtemps lié à un affect conventionnel. Un style induit son propre affect, lequel module voire transforme l’affect conventionnel lié au sujet. Ici, la rumination, que l'on verrait traitée avec passion, mélancolie, véhémence par le romantisme et l'expressionnisme, comme chez l'Ugolin de Rodin ou un autoportrait d’Egon Schiele, est subordonnée au traitement abstrait (le jeu des plans perpendiculaires, les boucles formées par les bras repliés, les membres vigoureux, d'une musculature contenue par la géométrie) qui a pour effet de la hisser niveau de l'archétype, d’une interrogation positive, salutaire. Flûtiste et Joueur de harpe, art cycladique, IIe millénaire. |
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S101 Gardien de l’axe de la terre ou Le Nord, Guardian of the axis of the earth, 1993 Essai d’allégorie des points cardinaux, homme épaissi, rivé à sa fonction. Les points cardinaux, repères sacrés, suscitent des personnifications dans toutes les cultures. Le nord fusionne avec des découvertes scientifiques plus récentes dont l’importance n’est pas moindre, la rotation de la terre, sa stabilité. |
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S104 Salomé, 1993 |
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S105 Homme s'offrant en sacrifice, Man offering himself for sacrifice, 1993 Le corps aplati et la haute tiare d’influence égyptienne, l’abstraction des entrailles ouvertes en forme de voûte, le jeu des trois trous triangulaires, la douceur, la bonté du visage forment une combinaison inédite. La sculpture peut célébrer des personnes qui se sont réellement immolées. Elle peut aussi évoquer une aptitude au sacrifice, un penchant qui se disperse dans des actions anodines. L'homme s'ouvre les entrailles, mais le traitement plastique annule les affects d'absurdité et de dégoût. Cette opération tient compte de l’usage de signes et de symboles observés dans l’art du passé, au Moyen-Âge notamment. Ils exerçaient leur effet par juxtaposition. Ces procédés furent jugés caducs, faibles lorsque le réalisme imposa l’impression qu’il était seul capable d’induire des émotions vraies, vivantes, fortes. Après des siècles de réalisme, il devient attrayant de les repenser, de les personnaliser, de mieux intégrer ce qui était juxtaposé. Symboles et signes exercent un pouvoir certain en raison d'attractions plausibles, de ressemblances, d’analogies. |
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S106 L'enseignant, Teacher, 1994 Sérénité d'un jeune enseignant idéaliste et généreux. Une vision classique renouvelée par le mariage de l’abstrait décoratif et d'une expression humaine plus accessible, plus intime. Plis raides de préférence aux drapés. Conviction que le propre de l’art réside dans l’encouragement davantage que dans la critique. Grèce, Japon. |
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S107 Le
maître de cérémonie, Master of Ceremonies, 1994 |
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S108 Ascète orgueilleux, Proud ascetic, 1994 L'ascétisme n'a pas disparu dans nos sociétés mais il sera moins souvent lié à l'humilité ; il s'affirme comme maîtrise, individualisme, discipline, exigence vis-à-vis de soi, résistance aux excès de la société de consommation, aux distractions de la mondanité. Les anachorètes du Sinaï, les stylites de Syrie, le Bouddha émacié du Gandhara, les ascètes soufis, les moines chrétiens. |
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S109 Homme transi devant l'infini, Man stunned by infinity, 1994
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S110 La tyrannie psychique, Psychic tyranny, 1994 Pour figurer des forces cérébrales, le polythéisme, qu’il soit grec, indien, maya, inspire davantage que les allégories chrétiennes des vices et des vertus. Au sein d'une civilisation de distraction, l'être humain veut être saisi par une force impérieuse lui prouvant qu’il n’est pas contingent. Or, le sentiment de l'inéluctable, à la foi redouté et envié, correspond à une réalité : l'homme est mené par son cerveau. La conscience de ce qu'il exécute n'est pas le contrôle de ce qu'il exécute. Le besoin d'être justifié, en dépit du fait qu'il est balancé par le désir d'être libre, aspire à cette dépendance à l'égard de la biologie qui nous distingue, justifie notre résistance à de vaines obligations conventionnelles, nous délivre d'une relative responsabilité. Psychologie, psychanalyse. |
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S111 Un homme
scrupuleux, Scrupulous man, 1994 |
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S112 L'injonction, Injunction, 1994 Elle figure les ordres du cerveau auxquels on ne peut se dérober, les devoirs, les labeurs, les défis, les punitions que l’on s’inflige. Tiare, parure, raideur concourent à impressionner, à lui donner autorité. Démone lançant un fléau, Tyrannie psychique, Injonction jettent une passerelle entre nos mécanismes spirituels et ceux du passé qui avaient tendance à situer les forces à l'extérieur de l'homme, à confondre épidémies et punitions, catastrophes naturelles et vengeance divine, guerres et manipulations d'esprits jaloux de leur prérogatives. Le mal est ce qui fait mal. Les avancées de la psychologie et de la psychanalyse permettent de réaliser que la force des exigences constitue le premier argument d’une existence, le curseur des décisions, des choix. Polythéisme, Antiquité, Grèce. |
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S113
Implorant aux masques, Imploring figure with masks, 1995-2004 |
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S114
Gréviste de la faim,
Hunger striker,
1995 |
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S115
Prisonnière enragée,
Furious female prisoner,
1995 |
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S116 Prisonnier invoquant son Dieu, Prisoner invoking his got, 1995
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