Table des matières

Plan du site

27   Irréalisme, idéalisme

29   L'acte ou la représentation,
déperdition ou transformation

 

III. Fonctions et mécanismes

28  Persistance de l'irrationnel,

disparition de l'anthropomorphisme



 

Autrefois la crédulité collaborait avec l'animisme et l'anthropomorphisme; ces modes de pensée se confirmaient l'un l'autre, ils se renforçaient et compensaient mutuellement leurs défaillances. Or ces fonctions psychiques n'ont pas entièrement disparu, on pourra peut-être en trouver l'origine cérébrale, car elles demeurent encore extrêmement vivaces, mais elles se sont désolidarisées et procèdent différemment.

En dépit du réalisme croissant de la pensée, nous continuons à spéculer sur les domaines qui échappent à la vérification. Les théories des temps modernes elles aussi comblent l'inconnu d'une façon magique. Mais alors que les chimères du Moyen Âge étaient des conceptions imagées de l'inexplicable, héritières d'un mode de pensée millénaire dont le moins que l'on puisse constater est qu'il convenait au peintre, nos fabulations sont devenues conceptuelles, nos raisonnements sont analytiques, ils contrarient et briment l'image. L'esprit s'emballe sur des hypothèses, il ne se fie plus aux chimères hybrides. La crédulité surgit encore avec la promptitude du réflexe dans toutes les couches de la société, elle est la réaction immédiate des craintes et des espérances. Refoulée de nombreux territoires, elle ajuste ses contenus et s'empare d'énigmes ou de promesses invérifiables : les rôles les plus fantaisistes sont attribués au rayonnement magnétique, des thérapeutiques miraculeuses sont vantées et aussitôt dénoncées, l'homme nouveau est garanti pour la décennie à venir. Le savoir d'un seul individu est si incomplet en regard de la richesse globale des connaissances qu'il fabule à loisir sur les domaines qui échappent à sa compétence. On peut se perdre en conjectures sur les sources de cette manie qui continue de régenter l'esprit - horreur du vide, vanité d'expliquer, orgueil du thaumaturge - : ce que l'on ne sait pas, on l'invente.

L'illusion n'est-elle pas plus insidieuse que le merveilleux lorsqu'elle s'enrichit de précisions, use de précautions et prend l'apparence de la réalité ou de la nécessité ? Décideurs et responsables se fient aux prévisions de la statistique et aux projets soigneusement élaborés sur le papier; industriels et financiers passent pour indispensables quand ils fabriquent des gadgets et parasitent les échangent; écrivains et philosophes conservent une confiance exagérée dans le pouvoir des idées, tandis que la magie des mots en entraîne plus d'un dans l'approbation de politiques aventureuses. Comment pourrions-nous affirmer être débarrassés de l’illusion ? La raison a beau évaluer les risques et les embûches, la réflexion a beau estimer sa propre présomption, elles s'illusionnent toujours lorsqu'elles croient avoir le dernier mot. L'intelligence s'honore de démasquer les commodités de la pensée avec une pertinence sophistiquée, l'illusion persiste dans des reliquats de vanité.

Face à l'inertie humaine et à la difficulté de l'action, on peut dire que, d'une certaine manière, le savoir a pris en charge le fabuleux. La théorie règle tout et son prestige éblouit. Cependant la connaissance des remèdes aux maux de la planète est loin d'être suivie d'applications pratiques. Les proclamations d'intention aveuglent, la publicité exalte des projets, nous multiplions les promesses, les décisions, mais nous restons pantois devant l'impuissance de nos résolutions philanthropiques. Combien d'engagements humanitaires ne s'avèrent pas des échecs lamentables et ruineux. Nous commandons des commissions d'enquête, nous publions des avertissements, nous prenons acte des erreurs... les choix demeurent soumises à la rivalité des ambitions et des intérêts, le passage à l'acte se heurte aux susceptibilités et aux manipulations. Nous optimisons nos entreprises, nous coordonnons les efforts, mais combien de programmes ne sont pas confisqués par les opportunistes à tous les échelons. Toutes ces incohérences se mesurent à l'énormité du gaspillage et des absurdités.

Notre condescendance vis-à-vis des mentalités préscientifiques exagère l'épaisseur du mur qui nous garde de l'irrationnel. Des formes de mysticisme et d'animisme existent encore aujourd'hui. Plus individualisées, plus discrètes que jadis, elles n'en font pas moins partie de la normalité, donnent un timbre à nos émotions et interfèrent aussi bien avec nos intuitions qu'avec nos raisonnements. La tendance de l'individu à généraliser d'après ses propres normes, à croire que l'autre pense et ressent de la même façon que lui et à décider en conséquence, est une forme d'animisme. Comme elle résiste à l'expérience, à quelles méprises ridicules et dramatiques elle nous conduit ! Nous avons beau être avertis sur les mécanismes de la projection, combien de dizaines d'années ne sont pas nécessaires à chacun d'entre nous pour corriger notre intelligence des motivations d'autrui et de ses critères de jugements. Le futur, domaine privilégié de l'invérifiable, est surchargé d'appréhensions et d'espérances; nous tenons pour certains des événements probables et nous tablons sur des issues qui ne dépendent pas de nous. Les préférences enfin sont la signature même de l'irrationnel, leur justification par l'intérêt ou par les qualités de l'objet n'étant que des tautologies.

Le recueillement de tout l'être, lorsqu'il s'absorbe en soi-même, ou lorsqu'il investit pleinement une activité, peut être comparé à une confusion mystique. A ces moments-là, complètement identifiés à une intention ou un comportement symbolique, nous mettons en œuvre une relation au monde irrationnelle et exclusive. La description de tels états est l'apanage de la littérature et de la psychologie, leurs contours étant flous et mouvants, pour notre propos, une allusion laconique suffira à en rendre compte, elle s'articule volontiers avec le verbe être. "Je suis en art comme on est en religion", disait André Malraux. Une réprobation ou une crainte peut nous fait songer dans certaines conditions : "Je n'existe pas". Un besoin d'échapper à l'emprise peut nous dicter les mots de Rimbaud : "Je est un autre". Le psychotique, le prophète, usent d'une syntaxe similaire; le président Schreiber est Dieu. Jésus est Dieu et homme. Ce pain est mon corps, l'hostie est le corps du Christ. Huizinga utilise le verbe être lorsqu'il observe que, dans les cérémonies primitives, "l'homme, dans sa danse, est un kangourou". La formule de Hamlet, être ou ne pas être se réfère à une indécision fondamentale; c'est parce que réagir implique tout l'être que Hamlet reste indécis; se venger implique qu'il décide d'être un autre, tout entier, son acte ne peut être ni partiel, ni éphémère, ni accessoire. Toute création commande un investissement intense qui se traduit par le verbe être : "Madame Bovary, c'est moi."

Toute passion nous détourne de la réalité dans une certaine mesure. La spécialisation et la puissance de travail exigées par l'ampleur du savoir requièrent elles aussi une concentration psychique qui favorise une coupure avec le réel. Les traducteurs et les historiens s'immergent dans des cultures étrangères, les archéologues se coupent du présent, André Parrot nous confie ainsi comment, absorbé par les fouilles d'Ur et de Mari et vivant au temps de Gudea, il est brutalement rappelé à la réalité par l'imminence de la guerre mondiale; tel astrophysicien s'évade parmi les étoiles et les supernovæ, tel ébéniste se renferme parmi les styles et les bois précieux, tel biologiste plonge dans l'écheveau de l'A.D.N.

"Le sacré devient intérieur et n'intéresse plus que l'âme, écrit Roger Caillois. On voit croître l'importance de la mystique et diminuer celle du culte. (...) C'est avec raison (...) que l'on emploie le mot sacré en dehors du domaine proprement religieux pour désigner ce à quoi chacun voue le meilleur de lui-même, ce que chacun tient pour la valeur suprême, ce qu'il vénère, ce à quoi il sacrifierait au besoin sa vie."[1]

Par ailleurs, nous avons peut-être tendance à surestimer l'irrationnel. Encadrés par la technique et la science, soumis à la raison, nous sommes tellement privés de cette fantaisie qui autrefois s'étendait allègrement aux dimensions du monde, que nous évaluons l'irrationnel comme un bien rare et précieux. Or l'irrationnel n'est pas toujours fascinant; non seulement il n'est pas une panacée, mais il est moins étonnant que le rationnel. C'est lorsqu'il était converti en figures mythiques qu'il nous subjuguait. Depuis qu'il n'est plus porté par le flux des images, il paraît tyrannique, incohérent, intraitable. Il trahit l'impatience du désir, l'anarchie des émotions, l'automatisme du psychisme. Il est imprévisible, déroutant, égoïste. L'apercevoir dans sa nudité rude nous fait mieux mesurer toute l'importance de la figuration et de la sublimation. L'irrationnel doit subir un traitement pour accéder à l'art. L'art n'est pas le pot-pourri de tous les instincts auxquels il faut renoncer dans la vie, la sublimation est aussi une forme de censure.

Si l'irrationnel d'une certaine façon peut décevoir, en revanche, l'imagination apparaît sous un jour nouveau. Depuis que les rêves et les craintes s'articulent en concepts, depuis que les cosmogonies et les mythes d'origine se résolvent en atomes et en réactions chimiques, la carence en récits nous découvre l'étendue d'un vide si désolant, le besoin d'explications, aujourd'hui comblé par la physique et la biologie, s'avère tellement distinct de la vie passionnelle (alors qu'autrefois ils étaient confondus et satisfaits ensemble), que nous nous prenons à considérer la fantaisie, non plus comme une pensée immature destinée à se corriger à l'épreuve de la réalité et à disparaître sous l'examen de la science, mais comme une fonction indépendante qui réclame un épanouissement. Alors qu'auparavant nous nous demandions médusés : à quoi sert l’imagination ? N'est-elle qu'une "puissance trompeuse", un mauvais génie qui nous détourne de la réalité et de l'efficacité pour notre souffrance ? Ses consolations ne sont-elles que des leurres précipitant notre perte ? A présent, nous sommes disposés à admirer ses pouvoirs. L'imagination apparaît comme une fonction autonome, et qui suscite un plaisir propre. Nous aurions presque envie de viser le cerveau lui-même : il aspire aux images et il crée des images; nous croyons interroger l'imagination, en réalité elle nous devance et nous impose les réponses.

Autrefois, telle une déesse mère archaïque, elle détenait les pleins pouvoirs et décrétait la vérité. Qu'elle dût renoncer à raconter l'origine de l'univers, l'apparition de l'homme, les défis qu'il s'est imposé, constitue une perte de prestige dont l'art ne s'est pas encore remis. Or, il faut le constater, quoique dépouillée de cette prérogative, son activisme n'en demeure pas moins inlassable. Que faire de l’imagination ? Sa tyrannie réclame un territoire. La vie des images existe à côté de la vie de la raison, elle se nourrit d'une façon autonome. Les produits de l'imagination ne représentent pas correctement le réel, mais l'imagination, elle, est bien réelle, on ne peut l'étouffer, elle exige que nous lui ménagions des voies. Il s'agit de faire vivre l'esprit - ou le cerveau même.

L'art peut-il satisfaire cet appétit ? Ne serait-ce pas son rôle ? Le besoin de formes provient d'un besoin d'excitants pour l'esprit. Le langage des images existe à part entière, tout comme le langage verbal. De la même manière qu'une phrase est plus juste, une image est plus juste, mieux sentie, plus vraie qu'une autre. L'art est le refuge de l'imagination, il est son lieu d'être.

De la triade crédulité, animisme, anthropomorphisme, c'est finalement l'anthropomorphisme qui fait le plus défaut. Il semble avoir disparu de notre mode de pensée. En même temps s'est effacée, dans les sociétés industrielles, la prééminence du corps. La volonté de figurer en est gravement affectée. A cet égard, le contraste entre les pays froids et les pays très religieux du sud reste saisissant. En Inde la campagne et les temples offrent des spectacles qui peuvent immédiatement servir de modèles aux artistes, l'architecture omniprésente transfigure l'expression, la vie mentale est transmise par les corps prosternés et les gestes de dévotion dans des cadres pleins de sens. Réfugiés au fond des mandapa, les hommes adossent leur tronc maigre aux piliers ouvragés; des femmes descendent les chats menant aux bassins d'eau sacrée, les magentas et les bleus de leurs saris jouent devant les murs peints de bandes rouges et blanches; la vie se déroule dans des perspectives et une géométrie d'un effet plastique prodigieux. Nous sommes près de conclure : ici la réalité est proche de l'art, il devait en être de même en Europe dans l'Antiquité, au Moyen Âge et à la Renaissance. Nous avons abandonné les prières, les couleurs, les offrandes; aucune cérémonie contemporaine ne pourrait rivaliser avec ces fêtes, aucune tension collective ne s'exalte plus dans le corps et l'action, comme autrefois dans les pèlerinages, les processions. Cet homme qui tourne mille fois autour d'une colonne nous serre le cœur; ces familles apportant des offrandes nous enchantent; ces pèlerins shivaïtes au visage maculé de cendre, un trident peint en blanc sur le front, nous fascinent. Les obligations rituelles impriment en nous leur gravité, leur fatalité nous terrasse, fatalité et gravité nous donnent l'impression stimulante que la vie a un sens.

Dans nos sociétés, le corps n'est plus le lieu de l'expression des émotions en raison des limites imposées à l'extraversion publique, il n'est plus porteur de significations fondamentales, il ne paie plus la rançon de la dignité par des blessures. Les épreuves relèvent de la ténacité, de la résistance psychique, leur sens ne transparaît pas physiquement, ni dans les gestes, ni dans l'action, tandis que les châtiments évitent les sévices, ils se monnayent, ils s'étendent, mornes et longs. Cette extériorité de l'âme, en voie de disparition, l'art ne pourrait-il pas la récolter ?

Car le corps demeure un langage. On ne peut pas nier l'éloquence des gestes et des mimiques; la lecture des émotions sur le visage garde son sens et son actualité. Représenté dans de vastes zones cérébrales, le corps est assuré d'un code universel. L'embarras et la gaieté se lisent sans difficulté sur le visage d'un Japonais ou d'un Mexicain, la colère et le mépris se trahissent par des mouvements semblables chez un Russe ou un Bantou, comme nous le prouve le cinéma mondial. Nous enregistrons la tendresse, le remords, la gratitude en dépit des coutumes, des mœurs et de la richesse. Joindre les mains est un signe de dévotion et de respect dans nombre de cultures. Tendre les paumes vers le ciel, croiser les mains sur la poitrine, ouvrir largement les bras, se crisper de rage, se détourner de honte, ruminer, ces gestes peuvent encore s'épanouir dans l'art.

Ce n'est pas par hasard si les saltimbanques ont connu un grand succès entre 1905 et 1925. Arlequins, clowns, jongleurs, funambules ont fait profiter la peinture et la chorégraphie de costumes fantaisistes, de la liberté des mouvements. De nouveau nous sommes en présence d'une participation de la réalité dans l’art : ces nomades y entrent de plain-pied car leur existence est déjà poétique. Tirant leur subsistance de leur adresse, ils perpétuent un rêve d'absolu; donnant à leur corps l'élan de leurs émois, ils héritent du sacré. Ils sont parmi les dernières figures poétiques qui appartiennent encore au réel.

Mais nous pourrions nous demander : pourquoi recourir à la fiction de l’arlequin ? La fiction de la peinture (ou de la sculpture) ne suffit-elle pas ? Les artistes se sentaient obligés de recourir à cet intermédiaire par soucis de la vraisemblance. Comment auraient-ils pu justifier les couleurs, les masques, les sauts, la grâce, la vie errante ? La question du costume est loin d'être anodine. Nous avons reconnu son attrait dans la peinture, en Europe et ailleurs. Nous pourrions remonter plus haut vers son origine et remarquer que la parure, dans la vie et dans l'art, joue un rôle similaire; il remonte à l'aube de l'humanité et obéit à des motivations puissantes.

L'homme a peint son corps pour célébrer les fêtes saisonnières, pour affronter l'ennemi. Par de douloureuses scarifications, il s'est allié les forces surnaturelles. Lorsque les tatouages obéissent simplement aux critères de la beauté, on ne peut pas ignorer que la douleur et l'irréparable en constituent le tribut. Les plumes et les fourrures magnifient la vaillance du chef; les cornes et les masques impénétrables maintiennent le pouvoir des chamans, ils transfigurent leurs oracles et stupéfient l'assemblée. Aujourd'hui, personne ne tolérerait de martyriser son corps ni de river sa profession à une parure; la commodité du vêtement a gagné tous les suffrages. L'individualisme a opté pour le confort et la liberté.

Ce n'est pas pour autant que nous sommes devenus indifférents à l'envoûtement des costumes et du décor. Les films historiques nous permettent d'en faire l'expérience. Les cérémonies en Corée et au Japon nous impressionnent par leur abstraction. Leur solennité est redevable d'un art des tons, des rythmes, des gestes. Les émois que nous captons ont été mis au point par les architectes, les costumiers, les maîtres de cérémonies. Rappelons-nous les cortèges d'éléphants dans le Salon de Musique de Satyajit Ray, dont l'Inde toute entière peut craindre d'être privée. Quand ce n’est pas la montée de l’efficacité,  c'est avec brusquerie que les idéologues ont fait table rase de l'irrationnel et de son pouvoir émotionnel. L'Opéra de Pékin sera la propriété des masses, décrète le parti communiste. Mais doit-il, parce que les dieux sont tombés, caricaturer le quotidien ? Il peut devenir une fête populaire. Ce qu'il conserve encore de magnifique et de sacré serait réduit à néant sans les costumes, se plaint l'acteur d'Adieu ma concubine. Qui n'est sensible à l’éclat du cortège que nous présente le père de l'explorateur britannique Thesiger ? C'était en 1909, peu après son arrivée en Abyssinie. "Ce jour-là, mon père découvrit pour la première fois les magnificences barbares de l'Empire abyssin. Il décrivit ces fastes dans une lettre adressée à sa mère: 'Les chefs et notables resplendissaient dans leurs manteaux de velours pourpre, bleu ou vert, richement brodés de fils d'or et portés sur des tuniques de soie; certains avaient drapé sur leur épaules des peaux de léopard ou de lion. La plupart d'entre eux arboraient des couronnes dorées, ornées de joyaux et garnies d'une crinière de lion, ainsi qu'un bouclier doré ou argenté. Des fourreaux décorés protégeaient leurs longues épées courbes. La magnificence de leurs parures était encore rehaussée par le contraste des tenues blanches toutes simples de leurs suivants.'"[2]  Ces dignitaires étaient, vers le XVIe siècle, précédés de lions tenus par de puissantes chaînes...  L'abandon de ces formes d'art désole les peuples et les nations.

Il ne manquera pas de voix pour désavouer le goût de l'exotisme, la mièvrerie d'une délectation déconnectée de son contexte. Rares en effet sont les amoureux de la vie sauvage qui comme Thesiger accordent leur existence à leur nostalgie. Mais notre propos concerne le spectacle vivant des couleurs et des emblèmes. Ces cortèges n'appartenaient pas au quotidien. Cette fusion du décoratif et de la vie ne pourrait-elle pas être récupérée, sinon dans nos fêtes, au moins sur nos scènes de théâtre ? Nombreux penseront qu'il est vain d'extraire les éléments d'une réalité historique, qu'il faut obligatoirement envisager le tout, sous peine de réduire le symbolisme qui était autrefois empreint d'une nécessité globale et sans compromis.


[1] R. Caillois, L'homme et le Sacré, p. 176. Gallimard, folio.

[2] W. Thesiger, La vie que j'ai choisie, pp. 31 et 42. Plon.


27   Irréalisme, idéalisme

29   L'acte ou la représentation, déperdition ou transformation